Décibels et maquillage ne font que masquer une angoisse profonde

(Ce texte a été publié par la Tribune de Genève le 5/8/2004 (p. 18)

Parades et "Prides" sont-elles vraiment de magnifiques explosions de joie et de gaieté, comme on nous le martèle? Je crois que ces défilés tentent de reprendre la tradition séculaire des saturnales puis des carnavals censés marquer un temps de débridement social. Mais, aux masques et maquillages silencieux et mystérieux de Venise, vient ici s'ajouter le rythme de percussions dont les basses vibrations lémuriennes -qui font dépérir les plantes- sont délibérément recherchées car elles abaissent le niveau de conscience, comme n'importe quelle drogue.

Dans la TG du 25 mars 1988, sous le titre "La culture du bruit", le regretté Edmond Beaujon a magistralement analysé ce phénomène. "Quel est le but de cette culture? Elle vise à exalter dans l'âme humaine le refus de tout ordre, de toute règle, de toute mesure et de toute proportion. C'est seulement par-delà ces limites formelles que la communion se réalise. Cultiver le bruit, c'est célébrer un culte. Celui-ci provoque la libération massive d'énergies psychiques et corporelles, qui se déroule sur le rythme de l'acte sexuel. Ce pouvoir "libérateur" et ce rythme organique ont consacré le rock en tant que LA culture des jeunes. (…) Le rock ne constitue pas une affaire de goût. C'est un impératif culturel, une église militante, triomphante et fracassante. (…) Les jeunes sont captifs de cette formidable puissance financière et magique grâce à laquelle ils pensent accéder à la communion avec eux-mêmes et avec le Tout." Décibels et maquillage à outrance ne font donc, à mon humble avis, que masquer une angoisse profonde. Apparemment joyeux, les participants à ces défilés sont pathétiquement tristes car ils savent qu'une fois les potentiomètres fermés et le silence revenu, rien ne sera vraiment changé, au contraire.

Seule la musique -et non le bruit comme cela a été maintes fois démontré- exerce sur les êtres humains, sur les animaux et sur les plantes des effets vraiment libérateurs d'énergies, favorisant leur développement harmonieux. Beethoven avait dit: "Celui auquel ma musique devient compréhensible se libère de la misère dans laquelle se traînent les autres." Ce n'est qu'en acceptant la discipline de l'écoute que nous devenons des interlocuteurs conscients pour l'Esprit qui veut se révéler à travers les sons. C'est de musicothérapie que notre société a besoin, et non de stupéfiants!

Denis Bloud

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