Une
solution pour Chypre
A
propos de l’épineux problème de Chypre évoqué
dans la Tribune du 6 septembre.
Genève,
6 septembre. - Le territoire annexé par les Turcs en 1974 représente
environ 36 % de la surface de l'île, soit près de 3 330 km2
délimités par la ligne "Attila" que contrôlent les
Nations Unies. En visite à Chypre, j'ai pu m'entretenir de cette
situation avec des autochtones du côté grec. Je leur ai fait
remarquer que, depuis leur indépendance en 1960, les Britanniques
avaient conservé deux enclaves côtières relativement
importantes (Akrotiri près de Limassol et Dhekélia) puisque
représentant près de 3 % du territoire soit environ 254 km2.
Je leur ai demandé s'ils accepteraient, pour régler le problème
de la partition actuelle, une solution diplomatique comportant la mise
en place d'une ou plusieurs enclaves turques de ce type. A ma grande surprise,
les Chypriotes grecs que j'ai interrogés m'ont donné une
réponse favorable! Les bases militaires anglaises, entièrement
clôturées et interdites d'accès, participent cependant
à l'économie générale du pays de façon
indirecte. Bien que représentant une perte territoriale, elles ne
remettent en effet pas en cause la souveraineté du pays.
Il
y avait eu des heurts sanglants entre les communautés grecques et
turques avant l'intervention de 1974 et une solution de type partition
aurait sans doute fini par s'imposer (comme ce sera bientôt le cas
en Israël à mon avis). Un abandon pur et simple de Chypre par
les Turcs, même pour obtenir leur billet d'entrée dans l'Union
européenne, me paraît improbable, alors que la solution des
enclaves militaires (et civiles) permettrait aux deux parties de sauver
la face.
Le
problème revient donc à une négociation diplomatique
quant à l'emplacement et à la surface des nouvelles zones
turques à concéder.
[(2
phrases non publiées :) Les deux enclaves britanniques actuelles
pourraient alors servir de modèle: seules les zones côtières
sont réellement intéressantes au point de vue stratégique
et économique (tourisme). Les Turcs pourraient par exemple conserver
des enclaves indépendantes autour des villes de Kyrenia et de Famagouste,
où ils sont bien établis, alors que le "mur de Nicosie" tomberait
et que les Grecs pourraient circuler librement à l'intérieur
des terres jusqu'à l'extrémité de la pointe de Karpos.]
L'essentiel
étant que chaque communauté (musulmane et orthodoxe) puisse
vivre correctement et sans les confrontations sanglantes qui avaient eu
lieu entre 1960 et 1974. N'oublions pas que Chypre fut égyptienne,
mycénienne, hittite, phénicienne, assyrienne... Avant l'arrivée
des Anglais, l'île avait été occupée pendant
trois siècles (1571-1878) par les Turcs, qui avaient remplacé
les Vénitiens (1489-1570) et pendant trois autres siècles
par les Francs (de 1191 à 1489): à durée d'occupation
égale, l'Union européenne ne pourrait-elle pas, en tant que
représentante des Croisés, revendiquer également une
petite enclave stratégique sur l'île d'Aphrodite?
Denis
Bloud