Merci à
l'épouvantail fasciste!
(ce texte a été publié par la
Tribune de Genève du mercredi 15 mai 2002, page 26)
17
% en 1995, 17 % au premier tour, 18 % au second tour: quelle incroyable
stabilité dans l'électorat de M. Le Pen! 200 000 voix de plus
qu'en 1995: où est la fameuse "montée de l'extrême-droite"? 200 000
voix qui ont manqué à Jospin: là on peut parler d'une "descente de la
gauche" jusqu'aux enfers, où elle a trouvé le diable qu'elle cherchait
pour enfin remonter la pente. Comme lors d'une grande marée basse, cette
lamentable descente a tout simplement découvert le vieux rocher
"fasciste" que l'on ne saurait voir et que soudain le monde entier a
pu -avec évidemment une digne et sainte horreur- apercevoir enfin clairement.
Pendant 15 jours, ce qui avait juste été mis en évidence mais qui n'avait
nullement grossi s'est vu utilisé comme cible de tir à boulets rouges.
Quelle
joie! Enfin une bonne occasion de jouer à se faire peur, de se refaire avec
délectation "La Grande Vadrouille" et de ressortir les vieux oripeaux
du passé. En 1968, à la Gare de l'Est, je me souviens encore de cet épouvantail
que les étudiants avaient fabriqué: un casque et un imperméable de CRS sur un
bâton, image fascinante de l'autorité contre laquelle il est de bon ton -et
sacrificatoire dans l'adolescence- de hurler et de trépigner. Cela m'a rappelé
aussi le théâtre des Marionnettes du Jardin du Luxembourg où l'on hurlait de
plaisir lorsque Guignol, avec son bicorne de gendarme, se faisait taper dessus!
On se gargarise ad nauseam de mots comme "république" et
"démocratie", dont chacun estime avoir le monopole, comme celui du
coeur et de la tête... Merci Jean-Marie, quel pied on s'est pris! La marée a
recouvert ton rocher pour un bon moment, mais surtout ne disparais pas, on a
trop besoin de toi!
Denis Bloud (électeur français)