Plutôt
que le conte à dormir debout qui est présenté par
l'accusation (et qui devra peut-être s'imposer par raison d'Etat),
je préfère la version de Bernard Bonnet, qui estime qu'il
y a eu un règlement de compte entre polices plus une volonté
(collusion avec les nationalistes) de le faire tomber.
Créé
le 27 juillet 1998 par une simple circulaire du major général
de la gendarmerie, le GPS (Groupement de pelotons de sécurité)
devait remplacer l'escadron de gendarmerie mobile d'Ajaccio dans le cadre
d'une vaste réorganisation des services publics en Corse voulue
par le Premier ministre et les ministres concernés après
l'assassinat du préfet Claude Erignac. La mauvaise organisation
entre les services de police et de gendarmerie est apparue au grand jour.
Elle a atteint son paroxysme lors de l'interpellation de l'enseignant nationaliste
Jean Castella en novembre 1998, surveillé à la fois par les
gendarmes et les policiers. Il est également notoire que le lieutenant-colonel
de gendarmerie Bertrand Cavalier était totalement opposé
aux actions du GPS. Avertie de l'opération envisagée par
le GPS (avec peut-être la bénédiction morale du préfet
Bonnet, ce qui reste à prouver), la gendarmerie mobile pourrait
avoir tenté de la faire capoter en faisant intervenir quelques hommes
sur place. Deux hypothèses restent à mon avis envisageables:
soit l'incendie par le GPS suivi d'une action à visée dénonciatrice
par la gendarmerie mobile, soit l'incendie plus l'abandon délibéré
de "preuves G.P.S." par la gendarmerie mobile afin de couler le GPS et
le préfet Bonnet.
Seule
une telle volonté de dénonciation permettrait d'expliquer
l'incroyable et douteuse accumulation de "preuves" laissées sur
place. Un conflit direct entre les deux commandos venus à la paillote
pourrait également expliquer les blessures du gendarme arrêté.
Dans un cas comme dans l'autre, les indices accusateurs auraient été
délibérément laissés sur place par le commando
opposant (gendarmes mobiles) pour obliger à une enquête et
faire tomber le GPS plus le préfet (qui avait suscité la
création du GPS parce que la gendarmerie corse ne lui paraissait
pas très motivée).
Le
plus gros à avaler est ce tract "abandonné" sur place, accusant
le propriétaire de la paillote de collusion avec la police ("Féraud,
balance des flics"): les dénonciateurs n'ont pas fait dans la dentelle!
Il y a vraiment trop d'éléments douteux pour que l'on puisse
croire à un simple ratage d'opération. Sans cette contre-attaque
interne, vraisemblablement due à une grave opposition entre GPS
et Gendarmerie nationale plus la volonté de faire tomber le préfet
Bonnet (avec l'hypothèse collatérale d'une collusion entre
nationalistes et gendarmes partisans du statu
quo ante, également suggérée par le préfet
devant le Tribunal d'Ajaccio) l'opération n'aurait certainement
laissé aucune trace et aurait été classée dans
les faits divers corses, où de telles actions ("nuits bleues") ne
sont hélas pas rares.
La
solidarité du corps de la gendarmerie et la simple raison d'Etat
interdiront que cette hypothèse soit vérifiée, bien
qu'elle soit plus plausible et plus conforme à ce que l'on peut
imaginer quant aux capacités techniques de ces hommes d'élite,
qui préféreront passer pour des apprentis et des incapables
plutôt que de violer leur conscience professionnelle et de trahir
leur devoir de réserve. Le préfet Bonnet sera sans doute
sacrifié à la raison d'Etat protégeant les divers
services du ministère de l'Intérieur (police et gendarmerie
ayant alors priorité sur l'administration préfectorale) mais
ceux qui auront lu ce qui précède auront sans doute compris
le fond de l'affaire.
Denis
Bloud
(Genève, 27 novembre 2001)